La gestion des déchets, de l’Antiquité à nos jours, des périodes d’avancées et de recul

Issu de la sédimentation de restes organiques marins au Crétacé, la pierre de tuffeau illustre comment la nature a toujours évolué, transformant ses propres « déchets ». Bien plus tard, à l’époque des hommes de Cro-Magnon, la question ne se posait pas encore pour les sociétés humaines : la majorité de leurs rebuts étaient organiques – restes alimentaires, bois, tissus naturels – et leur décomposition ne posait guère de problème à l’environnement.

C’est au fil des siècles, que la composition comme la gestion des déchets ont évolué. Jetés par les fenêtres au Moyen Âge, en partie recyclés à l’époque moderne, ils finissent aujourd’hui majoritairement enfouis ou incinérés. Mais contrairement aux sédiments marins transformés en roche, nos déchets contemporains – plastiques, béton, métaux et autres matériaux issus de la pétrochimie – résistent au temps et génèrent une part importante des émissions de gaz à effet de serre, contribuant directement aux dérèglements climatiques.

La gestion des déchets est un enjeu central des sociétés humaines depuis l’Antiquité. Et son histoire raconte autant celle de nos modes de vie que celle des défis environnementaux auxquels nous devons désormais répondre. Nous vous en proposons ici une brève rétrospective, à travers quelques zooms en France ou dans le monde.

L’Antiquité : premières mesures d’assainissement

Dès la Grèce antique, les premières tentatives d’organisation de la gestion des déchets apparaissent. À Athènes, un système rudimentaire impose aux citoyens d’évacuer leurs ordures en dehors des murailles de la ville. L’objectif est avant tout d’éviter l’accumulation des détritus dans les espaces de vie, ce qui pourrait entraîner des maladies et des désagréments.

Les Romains, quant à eux, développent des infrastructures plus élaborées. L’une des premières initiatives notables est la construction de la Cloaca Maxima, un vaste réseau d’égouts destiné à l’évacuation des eaux usées. En parallèle, les déchets solides sont entreposés dans des fosses situées en périphérie des villes. Ces initiatives témoignent d’une première prise de conscience de l’importance de l’assainissement urbain, bien que leur efficacité ait été limitée par le manque de moyens de contrôle et de réglementation stricte.

Le Moyen Âge : un recul des bonnes pratiques

La chute de l’Empire romain, couplée à la forte croissance de grands centres urbains, font connaître un net recul de la gestion des déchets en Europe. Les villes médiévales voient une accumulation des ordures dans les rues, souvent déversées directement depuis les habitations. L’absence de systèmes d’évacuation efficaces entraîne une pollution des eaux et de l’air, favorisant ainsi la propagation d’épidémies, notamment la peste noire au XIVe siècle, qui ravagea une grande partie de la population européenne.

Certaines tentatives d’amélioration émergent malgré tout. En France, Philippe Auguste ordonne au XIIe siècle le pavage des rues de Paris afin de limiter la stagnation des immondices. Plus tard, Charles V met en place des canaux et des fossés pour l’évacuation des déchets, mais ces mesures restent peu appliquées et inefficaces à grande échelle en raison du manque d’infrastructures adaptées et du manque de coopération de la population.

La Renaissance : premières tentatives d’organisation

Avec la Renaissance, les autorités prennent conscience de l’importance d’un environnement plus sain. Un service d’enlèvement des boues et immondices est mis en place en France, sous la responsabilité du royaume. Cependant, la population est souvent réticente à ces nouvelles réglementations, refusant de payer les taxes associées ou préférant continuer à jeter ses déchets dans la rue, entraînant des résistances sociales à ces changements. 

Parallèlement, une nouvelle figure émerge : les chiffonniers. Ces récupérateurs jouent un rôle clé dans la gestion des déchets en recyclant divers matériaux (tissus, métaux, os) pour les revendre ou les transformer. Leur activité préfigure les systèmes modernes de tri et de recyclage, et démontre qu’un début de gestion plus rationnelle et durable des déchets est en train de naître. 

XVIIIe et XIXe siècles : l’ère de l’hygiénisme

À partir du XVIIIe siècle, un mouvement hygiéniste se développe en Europe, notamment en réponse aux épidémies qui déciment les populations urbaines. Les villes entreprennent des efforts pour améliorer la salubrité publique, en construisant de nouveaux systèmes d’égouts et en instaurant des réglementations plus strictes sur le dépôt des ordures A cette même période, les décharges ou dépotoirs étaient installées à l’écart des habitations pour accueillir les déchets, sans considération pour l’environnement. Ces sites engendraient nuisances, émissions de gaz toxiques, risques d’incendie et pollutions des sols et de l’eau.  

Au XIXe siècle, les travaux du baron Haussmann à Paris transforment radicalement la gestion des déchets. Sous l’impulsion de Napoléon III, il modernise le réseau d’égouts, élargit les rues et impose des normes de salubrité plus strictes. L’assainissement devient alors une priorité dans la conception des villes modernes, avec la création de collectes régulières et l’incitation à une meilleure hygiène urbaine. 

En 1884, Eugène Poubelle, préfet de la Seine, introduit une innovation majeure : l’obligation pour chaque foyer de déposer ses déchets dans des récipients spécifiques, les premières « poubelles ». Cette mesure suscite initialement une forte opposition de la part des habitants et des propriétaires d’immeubles, qui y voient une contrainte supplémentaire. Cependant, avec le temps, l’usage des poubelles devient une norme incontournable, facilitant le ramassage des déchets et améliorant considérablement la propreté urbaine. Progressivement, d’autres villes en France et en Europe adoptent ce modèle, marquant une avancée majeure vers une gestion plus contrôlée des déchets. 

Les premiers incinérateurs voient également le jour à la fin du XIXe siècle, notamment en Angleterre, marquant une nouvelle étape dans la gestion des déchets. Leur utilisation reste cependant limitée à certaines grandes villes et ne devient généralisée qu’au XXe siècle. 

XXe siècle : législations et innovations

Le XXe siècle est marqué par une industrialisation massive et une explosion de la quantité et de la variété de déchets. Face à cette problématique croissante, les gouvernements mettent en place des réglementations pour mieux encadrer la gestion des déchets et encourager des pratiques plus responsables.

En France, la loi du 15 juillet 1975 (loi 75-633) instaure une obligation de collecte et de traitement des déchets par les collectivités locales. Cette loi pose les bases modernes de la gestion des déchets, en favorisant notamment l’incinération et la mise en décharge contrôlée, tout en introduisant des principes de recyclage.

En 1992, la loi Royal marque un tournant en imposant une réduction des déchets à la source et en encourageant le recyclage. Elle incite également à la création de filières de valorisation pour certains matériaux (verre, papier, plastique), amorçant ainsi la transition vers une gestion plus durable et la responsabilisation des entreprises et des citoyens.

PERSPECTIVES

Quel avenir pour la gestion des déchets ? 

 

Les sites d’enfouissement, héritiers des décharges antiques et médiévales institutionnalisées au XIXe siècle, font l’objet de réglementations strictes : depuis 1992, les lois se succèdent pour encadrer leur fermeture progressive, ainsi que des textes plus récents comme la LTECV et la loi AGEC qui renforcent aussi la prévention, le tri et la valorisation des déchets.

 

L’histoire de la gestion des déchets illustre l’évolution des préoccupations sanitaires et environnementales des sociétés humaines. D’une gestion archaïque marquée par l’accumulation des ordures en pleine ville, nous sommes passés à des systèmes de tri, de recyclage et de valorisation toujours plus sophistiqués. La priorité est désormais donnée à la prévention, au recyclage et à la réutilisation, conformément à la hiérarchie européenne des déchets établie en 2008.

 

Cependant, malgré ces avancées, les défis restent nombreux face à l’augmentation constante des déchets et aux impératifs écologiques actuels. L’avenir repose sur des solutions innovantes, des politiques publiques ambitieuses et un engagement collectif pour tendre vers une société où la réduction des déchets et le respect de l’environnement seront au cœur des préoccupations. 

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